Jan Arons 1936-2015
Un peintre,
Dans les années 1960 Jan ARONS est présenté par la critique officielle comme un des jeunes pionniers de la peinture hollandaise. Il connait un succès international.
Ce coloriste exceptionnel, n'a cessé de mettre en œuvre le double, la fragmentation, la complexité du monde en évoluant vers une combinaison insolite de l'espace pictural: De la peinture en volume au volume peint...de la suggestion au palpable...de la matière au vide...
Par son choix de s'éloigner des médias, la diffusion de son travail devient confidentielle.
Cette présentation est une invitation à trouver une solution pérenne pour la conservation et la reconnaissance de ce travail, dont près de de 1000 œuvres sont encore réunies dans le dernier atelier du peintre, à Vallabrègues, un village du sud de la FRANCE, terre d'élection et d'adoption d'ARONS pendant près de 50 ans.
Troisième période
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La transition 1988-1989
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Cette période de transition (vie et œuvre) confirme la construction du support comme objet, partie intégrante du tableau: des assemblages de bois remplacent peu à peu les épaisseurs de peinture.
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1988 La découverte du sanctuaire de Saint Roman (Gard)
Au cours de l’été 1988, Arons découvre à proximité d’Avignon l’abbaye troglodyte de St Roman creusée au Moyen Age dans un massif rocheux : dans le sol de la terrasse située au dessus des ruines du sanctuaire, des tombes de toutes les tailles sont creusées, en forme de corps humain
Aujourd'hui, vidées et laissées béantes, ces tombes sont abandonnées à la nature et aux éléments. Elles retiennent les eaux de pluie et leur surface liquide agit alors comme un miroir où fusionnent des espaces réfractés et multiples, aussi étrangers que le corps ( la forme de la roche creusée ), le ciel, mais aussi la terre, la roche ou la végétation. Elles réunissent ainsi des notions totalement opposées, le mobile et l'immobile, le fluide et le compact, le dur et le souple … et elles produisent un étrange mélange de nature et de culture aussitôt entrevu par le peintre.
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L'eau synthétise la diversité, structure et rassemble "naturellement" ces espaces ordinairement incompatibles. Or c'est bien cette réunion de données contradictoires qui pour Arons constitue l'essence de la matière, confirme sa vision héraclitéenne des choses (Héraclite d'Ephèse, au cinquième siècle av. JC, voyait déjà dans "l'exaltante alliance des contraires" la condition idéale de l'équilibre.... " De ce qui diffère naît la plus belle harmonie … tout advient par discorde et par nécessité".)
L'organisation de cet étrange cimetière est pour Arons une révélation : la multiplication d'images disparates réunies au sein de chaque petite nappe liquide témoigne à ses yeux mieux que tout de la complexité discontinue de la matière, de la réalité du monde.
La série "Saint Roman" est exposée à l'automne 1988. Elle représente une, parfois plusieurs formes nettement humanoïdes, rappelant celles qui entourent l'abbaye de Saint Roman: des fosses, des tombes, dont l’intérieur ici est souvent traité en couches plus fines de peinture, étendue, puis lissée au couteau, tranchant ainsi avec les puissants volumes qui l'entourent.Les couleurs brunes, ocres, rouille, avec des passages de vert, de gris, de blanc parfois saturé, rappellent la terre ou la roche, quelque chose de naturel.Des éléments hétérogènes sont collés sur certains panneaux. Un bourrelet de tissu, dont on aperçoit sous les touches de peinture le motif à carreaux rouges et verts, s'enroule autour de la fosse dans le tableau Romain. Un fragment de la même étoffe est posé en aplat dans le panneau Abîme, où il parait concrétiser la limite d'une terre découpée sur une bande de blanc lumineux, et gardée par de singulières sentinelles à la longue silhouette: ces silhouettes entourées d'une espèce de gloire sont les tombes redéfinies par le peintre, qui semble souligner ici, comme dans certaines apparitions dans des grottes, l'aspect sacré du site.
1989 du reflet de l'eau à celui du miroir…
Au printemps 1989, puis dans les grands panneaux de l’été apparaît le miroir, comme une suite logique des reflets de l’eau dans les tombes ; les peintures prolongent et confirment ainsi le développement complexe, montrant des perspectives échelonnées, des lignes cassées, basculées, une fragmentation de la structure encore accusée par la mise en abîme que les miroirs introduisent dans la plupart des tableaux. La feuille d'aluminium, largement utilisée, évoque là encore la notion spéculaire découverte à Saint-Roman.
1989 Miroirs de Schreber 131x178x12cm (triptyque)
Dans cette série autour du miroir, Arons réalise NAISSANCE DU BLEU un panneau qui représente un grand miroir central entouré d'un large cadre de peinture travaillé en pleine pâte. Il est juste de considérer ce tableau comme un jalon de l'évolution picturale, car les prémices timides d'un changement capital de la forme esthétique y apparaissent en effet pour la première fois. Le peintre a radicalisé d'une certaine manière la notion de volume en entamant concrètement le plan du tableau : il a réalisé un "creux réel" en découpant le support lui même, accomplissant là encore un geste de sculpteur -ou d'assembleur- autant que de peintre. C'est le début d'un procédé plastique qui deviendra systématique et essentiel dans la définition du style d'Arons. Dans ce panneau singulier la notion d'opposition formelle est plus franche encore que dans la période des lourds empâtements entremêlés. Par répercussion, à travers lui commence à se poser une question centrale, touchant à la définition artistique elle même, qui devient floue, indéterminée.
L'année suivante, en 1990, une idée remarquable va voir le jour qui permettra au peintre de radicaliser cette démarche ambivalente .
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